Mon Soutien Psy : décryptage complet d’un dispositif controversé.

Jeanne Coiffard Psychologue
il y a 6 jours
4 min de lecture

Depuis 2022, l’État français a généralisé le dispositif "Mon Soutien Psy", permettant un remboursement partiel des consultations psychologiques. Si cette mesure se veut une réponse aux besoins croissants en santé mentale, elle s’inscrit dans une histoire plus ancienne marquée par des expérimentations, des concertations incomplètes et de nombreuses critiques.

1. Avant 2018 : une crise de la santé mentale bien identifiée

Dès les années 2010, les professionnels alertent :

Augmentation des troubles anxieux et dépressifs ;
Délais d’attente importants pour consulter un psychiatre ;
Saturation des services publics ;
Manque criant de psychologues dans les structures de soins.

Dans ce contexte, les pouvoirs publics cherchent des solutions pour améliorer l’accès aux soins psychologiques.

2. Expérimentation du remboursement des consultations psychologiques dès 2018

Sous l’impulsion de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM) et du gouvernement, une expérimentation est lancée dans 4 départements pilotes :

Bouches-du-Rhône,
Haute-Garonne,
Morbihan,
Landes.

Le dispositif prévoit :

✔ Prescription médicale obligatoire (par le médecin traitant) ;

✔ Limitation du nombre de séances à 10 ;

✔ Renouvellement possible après un avis médical complémentaire, cette fois d’un psychiatre ;

✔ Tarification encadrée ;

✔ Sélection de psychologues volontaires.

Cette phase expérimentale, présentée comme un levier pour désengorger les parcours de soin, suscite d’emblée de nombreuses critiques de la part des psychologues : rémunération jugée insuffisante, perte d’autonomie professionnelle, manque de concertation.

3. Les Assises de la psychiatrie et de la santé mentale en 2021

En septembre 2021, face à l’aggravation de la crise sanitaire et psychologique (notamment liée à la pandémie de COVID-19), le gouvernement organise les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie.

Officiellement, ces Assises ont pour objectif de dresser un état des lieux et de formuler des propositions concrètes pour renforcer l'accès aux soins psychologiques et psychiatriques.

Parmi les annonces phares figure la généralisation à l'échelle nationale du dispositif expérimental testé depuis 2018, permettant le remboursement des consultations psychologiques sous certaines conditions.

Mais la profession est déjà sous tension depuis plusieurs mois. En effet, l'arrêté du 10 mars 2021, relatif à la définition de l'activité de psychothérapeute, suscite une vive inquiétude parmi les psychologues. Cet arrêté, perçu comme une tentative de restreindre l'autonomie professionnelle et de paramédicaliser la pratique, est considéré par beaucoup comme une menace directe à l'indépendance et à la reconnaissance du métier.

Dans ce contexte tendu, les psychologues se mobilisent massivement. Le 10 juin et le 28 septembre 2021, des milliers de psychologues descendent dans la rue, une mobilisation d'une ampleur rare dans l'histoire de la profession, traditionnellement peu encline aux manifestations.

Les revendications portent sur :

✔ La défense de l’autonomie professionnelle des psychologues ;

✔ Le refus de la subordination systématique aux prescriptions médicales ;

✔ Le rejet d'une tarification standardisée et jugée dévalorisante ;

✔ La dénonciation d'une concertation jugée superficielle et déconnectée des réalités de terrain.

Ces mobilisations illustrent le profond malaise et les tensions générées par la politique gouvernementale en matière de santé mentale.

4. Lancement officiel de "Mon Soutien Psy" en, 2022

Depuis avril 2022, le dispositif est accessible dans toute la France :

12 séances remboursées par an chez un psychologue agréé ;
Prescription obligatoire par un médecin ;
Tarif imposé : 40 € pour la première séance, 30 € les suivantes ;
Limitation aux troubles légers à modérés (anxiété, dépression, mal-être).

Le dispositif exclut explicitement les psychothérapies spécialisées ou de longue durée.

5. Opposition massive de la profession : le SNP et Manifeste Psy en première ligne

Le SNP : défense de la profession et de l’autonomie

Le Syndicat National des Psychologues (SNP) dénonce :

✔ La paramédicalisation des psychologues, subordonnés aux médecins ;

✔ La tarification jugée dévalorisante ;

✔ La réduction des psychologues à un rôle de soutien ponctuel.

Manifeste Psy : mobilisation collective

Le collectif Manifeste Psy, regroupant psychologues, universitaires et cliniciens, critique :

La négation de l’autonomie des psychologues ;
Le risque de fragiliser la qualité des prises en charge ;
L'absence de concertation réelle.

6. Evolution du dispositif en 2024 et critiques persistantes

En juin 2024, le gouvernement a annoncé des ajustements du dispositif :

Le renouvellement des séances ne nécessite plus obligatoirement un passage chez un psychiatre ;
Les démarches administratives ont été partiellement simplifiées ;
Les conditions de prescription par les médecins ont été assouplies.

Malgré ces évolutions, les critiques des professionnels demeurent :

Les tarifs restent jugés insuffisants ;
Le dispositif entretient une vision dégradée du rôle des psychologues ;
L’absence de réelle reconnaissance de la psychothérapie dans toute sa complexité est pointée du doigt.

7. Conclusion : quelles perspectives ?

"Mon Soutien Psy" se voulait une réponse à la détresse psychologique croissante. Il apparaît aujourd’hui comme un dispositif imparfait, source de tensions avec les professionnels.

Sa réussite dépendra de sa capacité à évoluer, en intégrant les critiques et les propositions des psychologues, notamment en :