Burn-out et bore-out : comprendre ces maux invisibles qui touchent aussi les soignants

Jeanne Coiffard Psychologue
4 juin
3 min de lecture

1. Définitions : deux visages d’une même souffrance au travail

Le burn-out, ou syndrome d'épuisement professionnel, est un état de fatigue émotionnelle, mentale et physique causé par un stress chronique lié au travail. Il a été formalisé par la psychologue Christina Maslach et se caractérise par trois dimensions : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation (prise de distance affective envers les bénéficiaires du travail), et la réduction du sentiment d’accomplissement personnel【1】.

Le bore-out, concept plus récent, désigne un état de souffrance lié à l’ennui au travail, à la sous-charge mentale ou à l’absence de sens et de reconnaissance. Contrairement au burn-out, il n’implique pas de surcharge, mais un manque chronique de stimulation et d’utilité, qui peut mener à des dépressions insidieuses【2】.

Les deux pathologies partagent des conséquences similaires : troubles du sommeil, anxiété, perte d’estime de soi, isolement, absentéisme, voire arrêt de travail prolongé.

2. Quand les soignants s’épuisent... ou se désengagent

Dans le secteur de la santé, le burn-out est bien documenté. Une étude citée dans le rapport de la DREES estime que près de 55 % des professionnels de santé ont déjà connu un épisode d'épuisement professionnel【3】. Les causes sont multiples : surcharge de travail, responsabilité émotionnelle, décision en urgence, manque de reconnaissance, conflits de valeurs, absence de soutien hiérarchique.

Plus discret, le bore-out peut aussi toucher les soignants, notamment dans des contextes de déqualification des actes, d’organisation rigide, ou de perte de sens du soin. L’automatisation des tâches, l’isolement, ou la pression normative (qualité, traçabilité, protocoles) peuvent entraîner une forme d’éloignement du cœur du métier : la relation humaine.

Comme l’indiquent Delourme et Marc, l’un des signes d’alerte du burn-out est la difficulté à se relier à l’autre, à ressentir de l’empathie, à être disponible émotionnellement【4】. C’est une souffrance silencieuse, qui touche l’identité professionnelle et la motivation.

3. Recommandations : prévenir pour ne pas guérir

Les articles consultés convergent sur un point essentiel : la prévention est la clé.

a. Sur le plan individuel

Développer sa capacité à repérer les signaux faibles : fatigue persistante, irritabilité, retrait relationnel.
S'autoriser à consulter : psy, médecin du travail, supervision, groupes de parole.
Favoriser des activités de ressourcement régulières (sport, création, repos, lien social).

b. Sur le plan institutionnel

Mettre en place des espaces d’expression réguliers (supervision, groupes Balint, débriefings).
Valoriser le sens du travail : redonner une place centrale à la qualité relationnelle.
Réaménager les conditions de travail (rythmes, effectifs, reconnaissance).
Intégrer la prévention des risques psychosociaux dans les politiques RH.

Comme le rappellent les auteurs du rapport "Du burn-out au bore-out" :

"L’objectif n’est pas d’adapter les individus à des environnements toxiques, mais de rendre les environnements de travail plus humains et plus sains"【2】.

En conclusion

Le burn-out et le bore-out sont les deux faces d’une même monnaie : celle de la souffrance au travail. Dans les métiers du soin, où l’engagement humain est profond, où la responsabilité est lourde et l’exposition au malheur permanente, il est vital de replacer la santé du soignant au cœur du soin.

Un soignant qui va bien, c’est un soin qui se tient debout.

Références

【1】 Maslach, C., & Leiter, M. P. (1997). The truth about burnout. Jossey-Bass.

【2】 Godard, J. (2023). Du burn-out au bore-out : vers l'emploi qui rend heureux. In Fondation Travailler Autrement. https://www.fondation-travailler-autrement.org/

【3】 DREES (2022). Santé mentale et souffrance psychique des soignants. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr

【4】 Delourme, A., & Marc, E. (2017). La supervision en psychanalyse et en psychothérapie (2e éd.). Dunod.