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Migration et trauma : comprendre les blessures invisibles de l’exil

Image du film Moi Capitaine de Mateo Garonne
Image du film Moi Capitaine de Mateo Garonne

Trauma migratoire : comprendre l’impact psychologique de l’exil, du départ à l’intégration, et les ressources pour accompagner migrants et réfugiés.



Introduction : des routes de l'exil aux murs des CRA


Dans un article précédent, nous avons parlé des centres de rétention administrative (CRA) et de leurs effets traumatisants. Mais le trauma lié à la migration ne s’arrête pas aux murs de ces centres. Il commence souvent bien avant, dans le pays d’origine, se poursuit sur les routes de l’exil et se prolonge après l’arrivée, dans les pays d’accueil.


Le parcours migratoire peut ainsi devenir une succession d’épreuves extrêmes : guerres, violences sexuelles, traversées périlleuses, perte de proches, incertitudes administratives. Ces événements laissent des traces invisibles mais profondes, que l’on regroupe sous le terme de trauma migratoire.


Pourquoi parler du trauma migratoire ?


Le mot trauma signifie littéralement “blessure”. Ici, il ne s’agit pas d’une blessure physique, mais d’une blessure psychique qui bouleverse la vie intérieure.


Selon le CN2R (Centre national de ressources et de résilience), près d’une personne exilée sans titre de séjour sur six souffre de stress post-traumatique en France. L’OMS rappelle que les migrants et réfugiés présentent un risque accru de développer anxiété, dépression et TSPT par rapport à la population générale.


Le trauma migratoire touche à la fois :

  • les individus (souffrance psychique, perte de repères),

  • les familles (séparations, enfants exposés),

  • et les sociétés d’accueil, qui doivent accompagner ces vulnérabilités.



Les étapes de l’exil : un parcours jalonné de violences


Avant le départ : la fuite face à la menace


La plupart des personnes exilées fuient des situations extrêmes : conflits armés, persécutions politiques, violences liées au genre, pauvreté insoutenable. Ces expériences initiales constituent déjà des traumatismes.


Pendant le parcours : traverser l’inimaginable


Le voyage vers l’Europe, le Canada ou ailleurs est souvent marqué par :

  • la traversée du désert et de la Méditerranée,

  • les violences des passeurs (captivité, tortures, viols),

  • la perte de compagnons de route.

Une enquête de la Commission des Femmes Réfugiées estime que la quasi-totalité des femmes migrantes subissent des violences sexuelles durant leur trajet, notamment en Libye.


Après l’arrivée : l’épreuve de l’attente


L’arrivée ne marque pas la fin du trauma. Les personnes exilées affrontent :

  • l’isolement social,

  • la barrière de la langue,

  • la précarité matérielle,

  • les procédures administratives longues et intrusives, qui les obligent à raconter en détail des événements traumatiques.

Ces étapes successives expliquent pourquoi on parle d’un traumatisme cumulatif.


Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) chez les migrants, kézako ?


Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) est une réaction psychologique à un événement extrême. Il peut se manifester immédiatement ou des mois plus tard.


Les symptômes se regroupent en quatre grandes catégories :

  • Reviviscences : cauchemars, flashbacks, impression de revivre l’événement.

  • Évitement : éviter les lieux, situations ou conversations qui rappellent le trauma.

  • Hypervigilance : sursauts, insomnie, anxiété permanente.

  • Altérations émotionnelles : culpabilité, honte, colère, perte d’intérêt.


Des études montrent que près d’un migrant sur deux peut présenter des symptômes de TSPT.


À côté du TSPT, on parle aussi du “syndrome d’Ulysse”, décrit par le psychiatre Joséba Achotegui : un stress chronique lié à la migration, marqué par l’isolement, la nostalgie, la peur et l’épuisement.



Les enfants et adolescents : une vulnérabilité particulière


L’exil n’épargne pas les enfants. Leur psychisme en construction les rend particulièrement sensibles :

  • difficultés à réguler les émotions,

  • troubles de l’attachement,

  • cauchemars et peurs intenses,

  • régressions (retour à des comportements plus jeunes),

  • conduites à risque à l’adolescence.


On parle souvent de traumatisme complexe, car ces jeunes sont confrontés à des violences répétées et prolongées. Comme le rappelle Boutinaud, l’adolescence en exil confronte les jeunes à une double fragilité : la perte de repères culturels et les blessures psychiques.



L’accueil et l’intégration : quand le trauma se rejoue


L’arrivée dans un pays d’accueil devrait être synonyme de sécurité. Pourtant, l’accueil peut lui-même devenir une source de souffrance :

  • procédures d’asile vécues comme intrusives,

  • suspicion permanente,

  • difficulté à accéder aux soins spécialisés.


Selon Saglio-Yatzimirsky et Wolmark, la santé mentale des exilés révèle aussi les limites du système de soins : manque de formation des soignants, absence d’interprètes, saturation des structures. Mais ces difficultés donnent parfois naissance à des initiatives créatives : consultations transculturelles, groupes de parole, maraudes de psychologues.




Conclusion : blessures et résilience


Le trauma migratoire n’est pas une fatalité. S’il témoigne de la violence des parcours, il révèle aussi la résilience des personnes exilées.


Parler de ces blessures invisibles, c’est :

  • reconnaître la souffrance,

  • faciliter l’accès aux soins,

  • et contribuer à une société plus solidaire.



Pour aller plus loin



FAQ


Qu’est-ce que le trauma migratoire ?

C’est l’ensemble des blessures psychiques vécues par une personne dans son parcours d’exil (avant, pendant, après la migration).


Quels sont les symptômes du stress post-traumatique chez les migrants ?

Cauchemars, flashbacks, anxiété, insomnie, douleurs chroniques, isolement social.


Pourquoi les enfants et adolescents sont-ils particulièrement vulnérables ?

Parce que leur psychisme est en construction et qu’ils vivent souvent des violences répétées (pertes, déracinement, précarité).


Où trouver de l’aide quand on est migrant ?

Des associations (Comede, OSAR, SAM asbl, UNHCR…), les CMP, PASS hospitaliers, et des consultations spécialisées en psychotraumatisme.



Ressources utiles pour les migrants et leurs proches


  • France :

    • La Cimade – accompagnement juridique et social.

    • France Terre d’Asile – accueil, orientation, soutien psychologique.

    • Croix-Rouge française – hébergement et santé.

    • Comede – Comité pour la santé des exilés.

  • Suisse :

  • Canada :

  • Belgique :



    Sources

    • Bustamante, L.H.U., et al. (2018). Stress, trauma, and PTSD in migrants: a comprehensive review. Brazilian Journal of Psychiatry, 40(2), 220–225.

    • Boutinaud, J. (2013). Dans le sillage de l’exil : problématique psychique des adolescents étrangers isolés. Adolescence, 31(3), 651–660.

    • Lingiah, H. (2005). Du traumatisme de la migration au traumatisme de l’intégration. Perspectives Psy, 44(1), 31–37.

    • Chahraoui, K. (2020). Exil, traumas extrêmes et douleurs. In Psychopathologie de la douleur.

    • Saglio-Yatzimirsky, M.-C., & Wolmark, L. (2018). Santé mentale des exilés en France : entre impuissance et créativité. REMI, 34(2), 21-27.

    • CN2R (2024). Dossier Migrations et santé mentale.

    • OMS (2022). Refugee and migrant mental health. https://www.who.int/

    • OIM (2024). Rapport sur l’état des migrations dans le monde. https://www.iom.int/

    • France Terre d’Asile (2022). Santé mentale des demandeurs d’asile. https://www.france-terre-asile.org/


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