Mouvements féministes : un combat universel pour l'égalité
- Jeanne Coiffard Psychologue
- 16 juin
- 6 min de lecture

1. Un bref historique du développement du mouvement féministe
Les premières revendications
Le féminisme naît au croisement de plusieurs dynamiques historiques : la montée des idées des Lumières, les révolutions politiques, et l’émergence d’une prise de conscience des injustices vécues par les femmes.
En France, Olympe de Gouges publie en 1791 La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, dénonçant l’exclusion des femmes des droits proclamés par la Révolution.
Au XIXe siècle, le mouvement suffragiste se développe. Les militantes réclament :
Le droit de vote ;
L’accès à l’éducation supérieure ;
Le droit au travail.
Le féminisme de cette époque est centré sur l’égalité civile et politique.
Seconde vague (1960-1980) : du droit de vote à l'émancipation sociale
Après la Seconde Guerre mondiale, alors que les femmes ont massivement participé à l’effort de guerre, de nouvelles luttes émergent.
En France, le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) voit le jour en 1970. On assiste à une explosion des revendications autour de :
La liberté sexuelle et reproductive (loi Neuwirth sur la contraception en 1967, loi Veil sur l’IVG en 1975) ;
La lutte contre les violences conjugales et les violences sexuelles ;
La dénonciation des stéréotypes de genre.
Le féminisme devient un mouvement de transformation sociétale et culturelle.
Troisième et quatrième vagues : vers un féminisme global et intersectionnel
Depuis les années 1990, le féminisme prend une dimension globale. Il intègre la lutte contre :
Le racisme ;
Le classisme ;
Les LGBTphobies ;
Le validisme.
Le concept de féminisme intersectionnel, théorisé par Kimberlé Crenshaw en 1989, souligne que les discriminations s’entrecroisent et que les femmes racisées, en situation de handicap ou LGBTQIA+ subissent des oppressions spécifiques.
Aujourd’hui, la quatrième vague féministe s’appuie fortement sur le numérique :
Mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc ;
Militances transnationales via les réseaux sociaux.
2. Les grands mouvements féministes en France et dans le monde
En France
MLF (Mouvement de Libération des Femmes) : mouvement fondateur de la seconde vague.
Osez le Féminisme ! : actif sur les questions de sexisme dans les médias et la publicité.
Nous Toutes : mobilisé contre les violences sexistes et sexuelles.
Planning Familial : défense du droit à l’IVG, à la contraception, à l’éducation sexuelle.
Dans le monde
NOW (National Organization for Women) aux États-Unis : plus grande organisation féministe américaine.
Fawcett Society (Royaume-Uni) : lutte pour l’égalité salariale.
Ni Una Menos (Amérique latine) : contre les féminicides.
African Feminist Forum : renforce les voix féministes africaines.
#MeToo : mouvement mondial dénonçant les violences sexuelles.
3. Les missions des mouvements féministes aujourd’hui
« Un féminisme qui ne serait pas décolonial, antiraciste, anticapitaliste, ne peut prétendre être universel »
Le dernier
Les mouvements féministes contemporains poursuivent un large éventail de missions, qui vont bien au-delà de la seule revendication d'égalité juridique. Ils visent une transformation profonde des structures sociales, culturelles et économiques.
1️⃣ Défendre l’égalité des droits et des opportunités
Égalité salariale : malgré les progrès, les femmes gagnent encore en moyenne 15,4 % de moins que les hommes en Europe (source Eurostat 2022).
Accès aux postes de décision : promotion de la parité en politique, dans les entreprises, les universités.
Accès à l'éducation pour les filles dans le monde entier : un combat essentiel contre les mariages précoces et les discriminations scolaires.
2️⃣ Lutter contre les violences sexistes et sexuelles
Combat contre les féminicides : en France, 118 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2022
Renforcer l’arsenal législatif contre les violences conjugales, le harcèlement sexuel au travail, les agressions sexuelles.
Accompagner les victimes : création de lieux d’accueil, de dispositifs de soutien juridique et psychologique.
3️⃣ Promouvoir les droits sexuels et reproductifs
Défendre le droit à une IVG libre et sûre dans tous les pays.
Lutter contre les campagnes anti-IVG, qui se multiplient en Europe.
Promouvoir une éducation sexuelle complète et inclusive dès le plus jeune âge.
Soutenir l'accès à la contraception pour toutes les femmes
4️⃣ Combattre les stéréotypes de genre
Déconstruction des normes de genre dans l’éducation, les médias, le sport, les jouets.
Lutter contre l’hypersexualisation des corps féminins.
Défendre la diversité des modèles familiaux et conjugaux.
Encourager une parentalité plus égalitaire.
5️⃣ Intégrer une perspective intersectionnelle
Prendre en compte les oppressions croisées vécues par les femmes racisées, en situation de handicap, migrantes, LGBTQIA+.
Soutenir la visibilité et les droits des femmes transgenres.
Favoriser les alliances avec les mouvements antiracistes, décoloniaux, écologistes.
6️⃣ Revendiquer un féminisme internationaliste et solidaire
S’opposer aux violences de genre dans les conflits armés.
Défendre les droits des femmes en exil, réfugiées, déplacées.
Soutenir les luttes féministes locales, dans une logique de sororité transnationale.
👉 Ces missions font du féminisme un projet émancipateur pour toute la société :
Il libère les femmes de l’oppression patriarcale.
Il permet aux hommes de sortir de la virilité toxique.
Il soutient les minorités dans leur quête de reconnaissance et de droits.
Comme le rappelle Kimberlé Crenshaw :
"Si nous ne prenons pas en compte les multiples discriminations, nous échouerons à bâtir une société véritablement égalitaire."
4. Pourquoi le féminisme est utile à toutes et tous
Pour les femmes : émancipation et protection
Le féminisme vise avant tout à permettre aux femmes de s’émanciper des structures patriarcales qui les maintiennent dans des rapports de domination :
Liberté de disposer de leur corps : droits sexuels et reproductifs (contraception, IVG, lutte contre les mutilations sexuelles).
Liberté économique : accès à l’éducation, à l’emploi, lutte pour l’égalité salariale.
Liberté sociale : lutte contre les stéréotypes de genre et les attentes normatives pesant sur les rôles féminins.
Protection contre les violences : luttes contre les violences conjugales, sexuelles, les féminicides.
Grâce à ces combats, les femmes accèdent peu à peu à plus d’autonomie, de sécurité et de reconnaissance.
Pour les hommes : libérer du carcan de la virilité
Le féminisme bénéficie également aux hommes en les aidant à se libérer de normes virilistes qui peuvent être toxiques :
Pression de la performance, de la réussite, de la compétitivité.
Injonction à la domination dans la sphère professionnelle comme intime.
Interdiction des émotions : "un homme ne pleure pas", "un homme doit être fort".
Modèles relationnels appauvris : masculinité construite dans la rivalité plus que dans la coopération.
Le féminisme propose d’élargir les modèles de masculinité vers plus de pluralité et de bienveillance, pour permettre aux hommes de vivre des relations plus riches, plus authentiques, avec eux-mêmes et avec les autres
Patrick Oualid a lancé un podcast: féminisme (nom masculin), le 1er podcast féministe au masculin : comment les hommes peuvent oeuvrer, concrètement, à plus d'égalité. https://www.podcastics.com/podcast/feminisme-nom-masculin/
Pour les minorités et vers un féminisme intersectionnel
Le féminisme intersectionnel est un outil clé pour lutter contre les oppressions croisées :
Une femme noire ou une femme migrante n’expérimente pas le sexisme de la même manière qu’une femme blanche privilégiée.
Une femme lesbienne subit à la fois le sexisme et l’homophobie.
Une femme handicapée est souvent rendue invisible dans les politiques publiques.
L’intégration de ces perspectives permet de bâtir un féminisme :
Plus juste ;
Plus inclusif ;
Plus solidaire avec les autres luttes : antiracisme, lutte contre les discriminations LGBTQIA+, défense des droits des personnes en situation de handicap.
Comme le rappelle Françoise Vergès :
"Il ne peut y avoir de féminisme sans une prise en compte des inégalités de race, de classe, de sexualité, de handicap, de situation géographique"
Pour la société entière : un projet humaniste
Enfin, le féminisme profite à l’ensemble de la société :
En promouvant des relations égalitaires, basées sur le respect mutuel.
En rendant visibles les injustices et les violences souvent tolérées ou banalisées.
En développant des politiques publiques plus inclusives et plus justes.
En favorisant des modèles économiques qui valorisent la coopération plutôt que la domination.
Dans un monde féministe :
Les enfants grandissent avec moins de stéréotypes.
Les hommes peuvent pleinement vivre leur parentalité.
Les relations humaines gagnent en qualité et en réciprocité.
👉 Le féminisme n’est donc pas un combat "contre les hommes" ou réservé aux femmes: c’est un combat pour l’égalité, la justice et la dignité pour toutes et tous.
Conclusion
Le féminisme n’est ni figé ni monolithique. Il se renouvelle sans cesse pour répondre aux défis de son temps.
Aujourd’hui, il appartient à chacune et chacun d’y contribuer :
En s’informant ;
En déconstruisant ses propres représentations ;
En rejoignant les mobilisations ;
En pratiquant au quotidien l’égalité.
Car le féminisme ne libère pas que les femmes : il libère la société toute entière.
Références
Crenshaw, K. (1989). Mapping the Margins: Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color.
Vergès, F. (2019). Un féminisme décolonial. La Fabrique.
Beauvoir, S. de. (1949). Le Deuxième Sexe. Gallimard.
Achin, C., & Sénac, R. (2015). Le Féminisme en mouvements. Presses de Sciences Po.
Osez le Féminisme !, Nous Toutes, Planning Familial – ressources officielles.
African Feminist Forum – manifeste.
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